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Une brève histoire de la mycothérapie.


La mycothérapie est à la mode, et l'on s'en réjouit ! Mais son spectaculaire essor ces dix dernières années ne doit pas occulter son histoire millénaire. Car oui, n’en déplaise aux médisants, la mycothérapie ne date pas d’Instagram ! Comme toutes les meilleures histoires, celle-ci commence il y a très, très longtemps et dans des lieux fort, fort lointains… Cet article retrace pour vous une brève histoire de la longue histoire des champignons médicinaux.


Une gamme de mycothérapie.

Aux origines de la mycothérapie


Les champignons furent, avec les plantes, les premiers médicaments à la portée de l’homme. Si leur usage remonte probablement avant les hommes eux-mêmes, la plus ancienne trace archéologique certaine de leur utilisation remonte à plus de 5300 ans. On la doit à Otzi, une momie retrouvée en 1991 dans les glaces alpines, dans un état de conservation exceptionnel.

La momie d'otzi bouleverse notre vision de la mycothérapie
Otzi avait une dizaine d'objets sur lui, dont trois étaient des champignons. C'est dire l'importance qu'ils avaient à l'époque !

Parmi les rares objets qu’il portait sur lui, une petite sacoche contenait deux champignons : un amadouvier et un polypore du bouleau, soigneusement préparés, grattés, coupés et séchés pour une meilleure conservation. Le premier était certainement destiné à allumer son feu. Le second, en revanche, était selon toute vraisemblance un traitement anti-parasitaire et une réserve de pansements naturels. Cette hypothèse, émise à la lumière des connaissances actuelles sur le polypore du bouleau, est corroborée par le fait qu’Otzi hébergeait des œufs de parasites intestinaux et portait des traces de blessures. 

L’histoire écrite de la mycothérapie, quant à elle, commence en Chine, vers le Ier siècle de notre ère, avec la rédaction du Shennong Ben Cao Jing, premier traité de pharmacopée chinoise. On y trouve mention du Lingzhi (nom chinois du ganoderma lucidum), le fameux « champignon de l’immortalité », classé parmi les substances supérieures, et réputé prolonger la vie sans effets secondaires : " Le Lingzhi a une saveur amère et une nature neutre. Il traite les masses dans la poitrine, renforce l'énergie du cœur, tonifie le centre, augmente la sagesse, améliore la mémoire. Une consommation prolongée allège le corps, prévient le vieillissement et prolonge la vie jusqu'à atteindre l'état d'immortalité "


La récolte du reishi à la Villa Hélène
Une belle cueillette de reishis à la Villa Hélène
Anecdote : Considéré comme un cadeau rare de la nature, le reishi était autrefois réservé à l’empereur et à l’élite taoïste. Le même traitement fut plus tard réservé au cordyceps.

Comment la mycothérapie a révolutionné la médecine moderne… plusieurs fois !


Pilier essentiel de la médecine chinoise depuis plus de 2000 ans mais plus discrète en Europe, la mycothérapie fait un retour fracassant sur le devant de la scène occidentale en 1928, avec la découverte de la pénicilline. Fortuite et rocambolesque, cette découverte allait pourtant propulser la médecine moderne dans une nouvelle ère et sauver, selon les estimations, entre 200 et 500 millions de vies humaines !

Affiche vantant les mérites de la pénicilline
Affiche vantant les mérites de la pénicilline au cours de la Seconde Guerre Mondiale

La pénicilline, on le comprend, éveille l’intérêt des chercheurs du monde entier sur les effets de certains champignons sur la santé humaine. Et à peine 40 ans plus tard, la mycothérapie ouvre la voie d’une autre révolution médicale majeure : la greffe d’organes. 

Dans les années 1970, alors que le phénomène de rejets limitait considérablement la survie des patients greffés, un groupe de chercheurs suisses découvre la ciclosporine, une molécule produite par un champignon répondant au doux nom de tolypocladium inflatum. Cette substance inhibe radicalement la réaction immunitaire des patients, en bloquant l’activation des lymphocytes T. Essayée pour la première fois dans les années 80 pour une greffe de rein, les résultats furent si impressionnants qu’elle a été largement adoptée dans le monde entier et sauve, aujourd’hui encore, des milliers de patients chaque année. On l’a ensuite utilisée contre des maladies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde ou le psoriasis, permettant à des millions de patients de retrouver une meilleure qualité de vie.

Anecdote : En 1943, des scientifiques travaillant au Northern Regional Research Laboratory de Peoria, dans l’Illinois, ont lancé une campagne étonnante : ils ont demandé à la population locale de leur apporter des fruits moisis pour trouver des souches plus productives du champignon Penicillium notatum. Et c’est sur un melon pourri acheté sur le marché qu’ils ont trouvé une souche de pénicilline exceptionnellement productive. Elle a été baptisée NRRL 1951.

Une dernière pour la route ? Dans les années 1970, au Japon cette fois-ci, des chercheurs isolent une métabolite d’aspergillus terreus, la statine, et découvrent son potentiel dans le traitement du cholestérol et des maladies cardiovasculaires. Prise par 150 millions de personnes à travers le monde chaque année, les statines sont l’un des médicaments les plus largement utilisés : elles sont aujourd'hui prescrites à 35% de la population américaine adulte !


Alexander Flemming, découvreur de la pénicilline
Alexander Flemming (1881-1955), microbiologiste britannique et découvreur de la pénicilline.

On pourrait continuer la liste, aussi impressionnante que méconnue, des apports de la mycothérapie à la médecine moderne et à la qualité de vie de millions de patients, mais la conclusion resterait la même : bravo les champignons !


La mode des champignons médicinaux : reishi, lion’s mane, cordyceps, chaga, shiitake, etc…


Depuis les années 1990-2000, la mycothérapie a pris un nouveau tournant… à 180 degrés. Les reishis, lion’s mane, shiitake, cordyceps et autres maitakés, célébrés depuis des millénaires par la médecine traditionnelle chinoise, font leur grand retour sur le devant de la scène. Passant par les Etats-Unis, la vague a gagné l’Europe cette dernière décennie et continue de croître d’année en année de manière impressionnante.

Bien sûr, comme avec tout effet de mode et plus encore depuis l’avènement des réseaux sociaux, l’augmentation de la demande entraîne son lot de mauvaises pratiques, de fraudes, d’opportunistes, de mensonges marketing. A tel point qu’il devient difficile de savoir à quel saint se vouer et qu’un scepticisme bien compréhensible commence déjà à émerger. 

Anecdote : certaines études ont montré que de nombreux compléments alimentaires à base de champignons médicinaux... ne contenaient tout simplement pas de champignons !
Un magnifique chaga, débarrassé de sa croute noirâtre.
Un magnifique chaga, cueilli en Haute-Vienne !

Cette crise de confiance précoce est d’autant plus regrettable que la recherche médicale se penche de plus en plus sur ces mêmes champignons, avec un certain succès. Certes, il reste encore bien des choses à découvrir et à comprendre, mais les résultats sont prometteurs et valident de nombreuses allégations ancestrales : oui, certains champignons ont un effet important sur l’immunité, l’inflammation, l’oxydation cellulaire, le système hormonal, la neurogénèse, le microbiote, et d’autres mécanismes profonds à la base de la santé humaine. En agissant à un niveau si fondamental, ils permettent de traiter, seul ou en complément avec d’autres approches médicales ou naturelles, une quantité impressionnante de maux et de symptômes. 



La mycothérapie : la santé naturelle de demain ?


Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour accueillir la mycothérapie dans notre quotidien. Alors qu'en Asie certains champignons ont intégré des protocoles médicaux de pointe contre le cancer, l'Europe les relègue encore au rang des compléments alimentaires, sans allégation médicale autorisée. Le cordyceps militaris ou le coriolus versicolor, pourtant consommés avec profit depuis des siècles, y sont même interdits à la vente !

D'un point de vue commercial, la mycothérapie, comme la phytothérapie a du le faire avant elle, va devoir affronter dans les années à venir le prochain tournant de son histoire. Trois pistes d'évolution se dessinent aujourd'hui :

  • devenir l'affaire de gros laboratoires, surmontant peu à peu leur distance vis à vis des molécules naturelles et des difficultés de standardisation liés aux modes de culture des champignons médicinaux.

  • se diluer dans une myriade d'offres anonymes et plus ou moins qualitatives sur internet.

  • devenir l'affaire de producteurs locaux, à taille humaine, maitrisant leur produit du mycélium jusqu'à l'extrait final (ça, c'est nous !).

Vous devinez vers où notre cœur balance ? Bien sûr, ce n'est pas nous qui décidons. Comme toujours, le choix est entre les mains du consommateur !



 
 
 

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